VIDÉO - Tensions à Romans-sur-Isère : l'enquête de TF1 au cœur du quartier de la Monnaie

par V. F | Reportage TF1 : François-Xavier Ménage et Olivier Cresta
Publié le 1 décembre 2023 à 19h56, mis à jour le 2 décembre 2023 à 8h28

Source : TF1 Info

Plusieurs rassemblements sont à nouveau organisés ce vendredi par des groupes d'ultradroite pour rendre hommage au jeune Thomas, tué lors d'une fête de village à Crépol (Drôme).
On se souvient de leur expédition punitive dans le quartier de la Monnaie, à Romans-sur-Isère, le week-end dernier.
Le JT de TF1 est retourné dans cette ville qui reste traumatisée par ce qui s'est passé et où la maire dit avoir reçu des menaces de mort.

Depuis la mort du jeune Thomas, mortellement blessé au couteau dans la nuit du 18 au 19 novembre devant la salle des fêtes de Crépol (Drôme), la ville voisine de Romans-sur-Isère n'arrive pas à se relever. Une partie de ses agresseurs venaient du quartier de la Monnaie, à l'est de la ville. Là où le trafic de drogue est incessant et les violences régulières. Catherine, une retraitée, vit ici depuis dix ans. Interrogée par TF1, elle parle d'un climat exécrable et préfère témoigner anonymement. 

"On a un terrain de boules plus loin, on joue avec des amis, eh bien, ils dealent devant nous en plein jour. Et si on appelle la police, après ça craint pour nous", affirme-t-elle dans le reportage du 20H à retrouver en tête de cet article. "Je ne vais pas les dénoncer, je risque ma vie. C'est une angoisse permanente alors, j'ai appris à vivre avec parce que de toute façon, je n'ai pas le choix. Là, je paye 300 euros de loyer, j'ai pas les moyens d'aller dans un logement à 500/600 euros."

Ce sont des jeunes qui sortent de tout radar, c'est-à-dire qu'ils vivent entre eux. Et finalement, ils essaient de faire de ce quartier une zone de non-droit.
Marie-Hélène Thoraval, maire LR de Romans-sur-Isère

Cette habitante évoque des jeunes hors de contrôle, défiant en permanence les autorités. "Je les ai vus arriver à 30, 40 personnes et attaquer, caillasser la police sous mes yeux. Dès que j'entends un bruit, je me dis : 'ça y est, qu'est-ce qui va se passer ?' Les pompiers ne peuvent pas sortir sans la police derrière. C'est impossible pour eux." 

Le climat est tout aussi délétère en plein centre-ville. À la mairie, où les drapeaux sont toujours en berne depuis le décès de Thomas, l'édile, Marie-Hélène Thoraval, a déposé plainte ce mercredi 29 novembre après avoir reçu des menaces par téléphone et sur les réseaux sociaux, dont une de mort "par décapitation". Elle dénonce désormais publiquement les agissements d'une bande issue du quartier de La Monnaie. "Je n'ai de problèmes qu'avec une centaine de jeunes, donc il faut remettre les choses dans leur contexte. Et puis j'ai 50 lascars qui nous posent vraiment de très gros problèmes. Pour nombre d'entre eux, ils ont déjà été condamnés. On constate que les condamnations ne leur font pas grand-chose. 

"Après, ce sont des jeunes qui sortent de tout radar, c'est-à-dire qu'ils vivent entre eux", poursuit-elle. "Et finalement, ils essaient de faire de ce quartier une zone de non-droit au détriment du bien-vivre des autres en cherchant à imposer leurs règles. J'estime que ce n'est pas acceptable."

Des habitants inquiets

Depuis le drame de Crépol, la mairie alerte sur "un fait de société et non un fait-divers". À l'appui, elle montre les messages de soutien qui affluent de toute la France. Pour autant, Romans-sur-Isère n'est pas une ville à l'abandon. Économiquement, elle s'en sort mieux que d'autres, le centre-ville est en pleine transformation et la police municipale a vu ses effectifs bondir. Aujourd'hui, on dénombre une trentaine d'agents sur le terrain sept jours sur sept. Côté vidéosurveillance, c'est une ville moyenne, proportionnellement bien mieux dotée que toutes les autres de la région, avec 177 caméras et un centre de contrôle ultra-moderne pour épier les moindres débordements. 

Et ces derniers jours, les rues de Romans-sur-Isère ont connu plusieurs épisodes marquants. D'abord une marche blanche le 22 novembre en hommage à Thomas avec plus de 6000 personnes réunies. Trois jours plus tard, 80 personnes issues de l'ultra-droite surgissent dans le quartier de La Monnaie, munis de barres de fer et de clubs de golf, pour en découdre avant que les forces de l'ordre n'interviennent. À l'arrivée, on dénombre une vingtaine d'interpellations. 

Une semaine plus tard, les CRS sont toujours présents en nombre alors que dans le quartier de La Monnaie, beaucoup de riverains craignent de nouveaux débordements de la part de l'ultra-droite. Izia, une étudiante en gestion, âgée de 18 ans, a passé son enfance ici. Aujourd'hui, elle est effrayée par cette situation. "Je suis maghrébine, sortir toute seule, là maintenant, j'ai peur parce que je me dis que je peux me faire attraper par n'importe qui. Du coup, je suis obligée de verrouiller la porte de ma voiture", lance-t-elle. 

L'inquiétude est la même pour les associations caritatives, alors que les demandes d'aides alimentaires se multiplient. Les bénévoles confient craindre pour la notion de "vivre ensemble". Une notion, disent-ils, bousculée par les récents événements. "Le risque, on le connait, on sait où ça commence, hélas on sait pas où ça s'arrête et jusqu'où ça peut aller. Mais je pense que Romans n'est pas en dehors de la société française. Ce que l'on vit à Romans est comparable à ce que l'on vit sur l'ensemble du territoire. Je pense qu'il faut mettre en avant le vivre ensemble, c'est ce qu'il faut travailler, cultiver", admet Yves Domard, trésorier au Secours populaire.

Ce week-end, de nouvelles manifestations et rassemblements sont annoncés. Elles ont été interdites par la préfecture de la Drôme "en raison des risques de troubles à l'ordre public" dans un contexte de fortes tensions. La préfecture a en outre indiqué ce vendredi avoir placé sous protection la maire LR et ses proches, après sa plainte pour des menaces de mort.


V. F | Reportage TF1 : François-Xavier Ménage et Olivier Cresta

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